Le GDIR en 6 questions

1. Pouvez-vous nous expliquer en quelques phrases l’objectif du Groupe de dialogue interreligieux à la Réunion dont vous êtes le président ?

Idriss Issop-Banian : Notre Groupe se veut être un espace de rencontre, d’échange et de partage pour un dialogue spirituel serein et respectueux entre toutes traditions religieuses e notre Ile. Nous cherchons à comprendre l’autre dans sa foi et dans sa pratique. Concernant l’ approche de la question des  dogmes des uns et des autres, nous procédons par petites touches. Nous souhaitons surtout à mettre en exergue nos points de convergence car notre credo est essentiellement le vivre ensemble  harmonieux entre toutes nos traditions spirituelles.

Dans le quotidien, nous sommes attentifs à l’actualité religieuse et nous nous attachons à prévenir les éventuels malentendus et à dissiper les motifs de tensions entre nos communautés.

Enfin nous nous attachons à faire prendre conscience à tous nos compatriotes que notre diversité culturelle et religieuse, loin d’ être un handicap, constitue notre patrimoine commun et le socle sur lequel se construit notre unité.

2. Depuis combien de temps ce groupe existe-t’il ? Quel a été l’élément déclencheur de sa création ?

C’ est en 1998 qu’ un petit cercle de croyants de diverses confessions a commencé à se réunir régulièrement dans le but de mieux se connaître et à partager leur expérience spirituelle. L’Ile célébrait à ce moment-là la commémoration du cent cinquantenaire de l’ Abolition de l’ esclavage qui a été l’ occasion pour l’ ensemble des réunionnais de se réapproprier leur Histoire. Et c’est ce retour sur le passé qui a permis  de se rendre compte du chemin parcouru ensemble et de prendre profondément conscience  notre communauté de destin. Cette réappropriation de l’Histoire a en somme déclenché toute une réflexion sur notre avenir commun.

C’est dans ce climat qu’est né notre Groupe qui s’est ensuite structuré en association. En  l’an 2000 et au passage d’un nouveau siècle, nous avons voulu partager notre réflexion avec la population à travers la proclamation de notre  « Manifeste pour un dialogue spirituel » qui invite nos compatriotes à intégrer les valeurs de respect, de convivialité et d’amour dans notre vivre ensemble.

Combien de membres composent le Groupe ?

Au sein de ce groupe d’une quarantaine de membres, nous sommes des religieux et des laïcs, évêque, prêtres catholiques ou orthodoxes, pasteurs protestants, imams, swamis, responsables des fédérations des temples hindous, ou d’associations musulmanes ou chinoises, ou encore membres des communautés juive, baha’i ou bouddhiste. Tous, nous nous engageons à œuvrer ensemble pour bâtir une société réunionnaise fraternelle et harmonieuse et à  vivre en artisans de Paix. Nous voulons aussi montrer au reste du monde que des croyants, de foi différente, peuvent se comprendre, s’estimer et s’aimer dans la lumière de Dieu, tout en restant fidèle à  leur tradition respective. Et ce, dans le respect des valeurs de la République. 

4. Le Groupe interreligieux à la Réunion est souvent montré en exemple.

Pensez-vous qu’il soit si dur de vivre ensemble avec des confessions différentes ?

A travers notre  Manifeste qui est en quelque sorte notre charte nous invitons les Réunionnais à prendre conscience de la chance que nous avons de vivre nos différences comme des richesses. Que  la part du sacré est essentielle dans l’architecture de notre commune identité.

 Nous oeuvrons afin de créer un climat de confiance et d’ouverture entre les croyants et à leur rapprochement  dans un désir d’une plus grande connaissance des traditions respectives des uns et des autres. Pour bâtir une communauté réunionnaise harmonieuse et fraternelle.

 Nous pensons que les religions doivent jouer un rôle effectif important dans le maintien de la cohésion sociale et ne doivent pas devenir des  facteurs de conflits comme cela se passe hélas en divers points de la planète. Les religions sont une chance pour notre Ile. Le dialogue interreligieux  semble désormais s’inscrire durablement dans le paysage social réunionnais. Nous restons aussi  ouverts au dialogue avec toutes les autres écoles de pensée. 

5. Le métissage de la Réunion n’est-il pas la base du fondement de cette tolérance religieuse entre les différentes communautés ?

Effectivement. Ce métissage à la fois biologique et culturel dont le processus a débuté dés le peuplement avec la rencontre des populations venues de divers horizons, d’Europe, de Madagascar, d’Afrique, d’Inde ou de Chine a fait  que très tôt  des passerelles ont  existé entre ces groupes humains si différents par leur culture et leur croyance. . Le génie réunionnais qui  a consisté d’ abord à forger une langue commune, le créole, a ensuite généré une culture métisse, la culture réunionnaise.

 Au plan religieux, après des périodes d’incompréhensions et  de tensions, il y a eu apprivoisement mutuel des communautés religieuses différentes. Pour aboutir aujourd’hui à un processus de dialogue interreligieux que l’on dit exemplaire et qui se vit au quotidien de façon tout à fait naturelle. Cette  acceptation mutuelle entre toutes les croyances est bien une caractéristique  fondamentale de notre société réunionnaise.

6. Peut-on qualifier de « moment de grâce » ces instants de compréhension, de tolérance entre les différentes confessions ?

En effet nous vivons un moment de grâce de notre Histoire. Nous considérons le dialogue interreligieux comme une bénédiction divine et comme un don que nous devons transmettre aux générations futures. C’est notre prière commune à tous.

 L’ alchimie réunionnaise est en marche vers l’ éclosion d’ une civilisation empreinte d’ amour et de fraternité.